L’école BrainHack: une école pas comme les autres

Au cours du mois d’août dernier avait lieu l’École BrainHack à Montréal, un programme intensif de neuroinformatique s’échelonnant sur quatre semaines et prenant la forme d’apprentissage par projet. Les participants étaient pour la plupart des étudiants gradués en neurosciences, génie logiciel et informatique et ce programme était pour eux une occasion d’acquérir des compétences de haut niveau en travaillant sur un projet de leur choix. De plus, les étudiants avaient l’opportunité d’obtenir des crédits de cours universitaires en prenant part à cette expérience.

BrainHack_fr

 À chaque semaine, les participants étaient exposés à du contenu différent. Lors de la première, les étudiants ont eu droit à un véritable camp d’entraînement où ils étaient immergés dans les concepts et les méthodes en sciences des données, des notions de programmation en langage Python et de nombreux outils pour devenir agile en  neuroinformatique. Après s’être faits une idée des outils génériques d’analyse de données la première semaine, les participants ont pu acquérir des notions plus pointues sur le traitement de données d’imagerie et d’activité cérébrale lors de la deuxième. Armés de ces connaissances, ils étaient en mesure d’entamer leur projet petit à petit durant des périodes réservées à cet effet. La troisième semaine était dédiée à la communication scientifique et les étudiants devaient vulgariser leurs projets sous la forme d’une vidéo compréhensible pour le grand public. Finalement, les étudiants ont pu apporter les dernières modifications à leur projet, présenter la version finale à leurs pairs et rendre un rapport lors de la dernière semaine de l’École. 

Bien qu’il s’agisse d’un événement à part entière, l’École BrainHack s’inscrit dans un mouvement d’ampleur internationale appelé BrainHack Global. Ce dernier était inspiré du concept de hackathon, qui consiste essentiellement en une compétition intensive de programmation lors de laquelle des équipes s’affrontent pour venir à bout de défis informatiques complexes. Néanmoins, plutôt que de mettre l’accent sur la compétition, Dr Cameron Craddock (U Austin, Texas) et les créateurs du mouvement BrainHack désirent focaliser sur la collaboration et les apprentissages que ce type d’événements entre passionnés permettent. C’est dans ce même esprit que les professeurs Pierre Bellec, de l’Université de Montréal (Psychologie), Jean-Baptiste Poline, de l’Université McGill (Neurologie et Neurochirurgie), Nikola Stikov, de l’École Polytechnique (Ingénierie Électrique) et Tristan Glatard, de l’Université Concordia (Ingénierie Informatique) ont travaillé ensemble à la réalisation de l’École BrainHack. À tour de rôle, chacun des chercheurs a accueilli les étudiants sur son campus durant une des quatre semaines de l’école, pour leur transmettre leurs connaissances couvrant plusieurs aspects de la neuroinformatique. De nombreux conférenciers de renom ont également été invités pour contribuer à la richesse et la diversité du contenu présenté aux participants. En somme, ce regroupement de spécialistes aux expertises variées constituait une sorte de clinique ambulante de méthodologie dont pouvaient bénéficier les étudiants au fur et à mesure qu’ils rencontraient des difficultés durant les périodes dédiées aux travaux pratiques. 

Les étudiants de l’École BrainHack, travaillant et s’entraidant dans leurs projets.

S’il est vrai qu’une participation à l’École BrainHack permet d’obtenir des crédits universitaires, il s’agit bien de la seule ressemblance qu’elle partage avec un cours traditionnel. Selon Pierre Bellec, ce programme de formation est tout à fait novateur dans le domaine: « Cette formule-là, c’est-à-dire basée sur des projets, de cette longueur et dans quatre universités, je ne connais aucun cours comme ça. Définitivement, dans le domaine, je suis assez certain que ça n’existe pas ». Par ailleurs, deux éditions pilotes de ce cours ont eu lieu au cours des dernières années, ce qui a progressivement amélioré sa structure pour faciliter l’intégration de connaissances et aider les étudiants à réaliser des projets de plus grande envergure. Pierre Bellec explique que l’édition de cette année de l’École s’est démarqué particulièrement des autres par le camp d’entraînement de la première semaine: « Ce dont je me suis rendu compte l’an dernier, c’est qu’on demandait aux gens de travailler sur un projet, mais en fait ils ne savaient pas sur quoi ils voulaient travailler et quels outils ils voulaient découvrir. Donc ils devaient définir leur projet tout en découvrant les outils, ce qui créait de l’anxiété. Cette année, la première semaine était comme un menu [qui laissait voir les possibilités aux étudiants]. Il n’y a aucun doute que c’était une grosse amélioration ». Pour l’année suivante, le professeur estime qu’il n’y aura que des changements mineurs à apporter et que le plus grand sera d’annoncer l’événement un peu plus d’avance pour sélectionner les étudiants les mieux adaptés au cours et leur laisser le temps de se préparer.

Antoine (gauche) et Anna (droite) travaillant sur leur projet respectif.

            Les efforts mis dans l’organisation de cet événement ont certainement porté fruit, car les étudiants étaient très satisfaits de leur expérience. Peu importe leur motivation à participer à l’École BrainHack, les participants interviewés étaient unanimes: aucun cours comme celui-ci n’était disponible dans leur programme universitaire. Certains ont choisi de le suivre parce qu’ils aimaient l’idée du mélange de neurosciences et d’informatique, alors que d’autres venaient avec des objectifs d’apprentissage plus précis en tête. Anna, qui terminait sa maîtrise en neurosciences, souhaitait par exemple apprendre à traiter des données de neurosciences cognitives en se servant d’apprentissage automatique. Pour François, qui terminait plutôt son baccalauréat en neurosciences cognitives, c’était une occasion d’apprendre des méthodes avancées de recherche dans un format qui ne se trouvait pas ailleurs: « J’ai cherché un cours comme ça pendant tout mon [baccalauréat] ». Par ailleurs, l’environnement d’apprentissage distinct constituait un autre élément très apprécié des étudiants. Anna affirma que les méthodes d’apprentissages allaient au-delà de ses attentes: « En plus de travailler sur tes propres données, il y a constamment des intervenants qui peuvent répondre à tes questions ». Marcel, étudiant au doctorat en génie informatique, fit remarquer que les intervenants n’étaient pas les seules sources de connaissances: « Chaque participant a un parcours différent et ils apportent tous quelque chose ». À son tour, François se confia pour expliquer que les étudiants se sentaient parfois impuissants par au travail qu’ils devaient accomplir et que certains avaient même le « syndrome de l’imposteur », mais que l’entourage encourageant et à l’écoute aidait à passer au travers des périodes difficiles. D’autre part, les étudiants interviewés étaient confiants que les compétences qu’ils avaient acquises allaient leur être utiles dans leurs recherches, mais qu’elles pouvaient aussi être réutilisées dans d’autres contextes: « Il y a des entreprises et des startups qui utilisent les mêmes outils de collaboration », souligna François. Anna était tout aussi enthousiaste: « Ce cours m’aidera à refaire mon CV. Il y a un monde qui s’ouvre complètement ». 

            Dans l’ensemble, la pertinence de l’École BrainHack pour la clientèle qu’elle cible est incontestable. Bien qu’il pourrait être tentant de bâtir une version cours en ligne pour qu’un maximum d’étudiants puissent en bénéficier, le caractère révolutionnaire de l’École vient directement de son format en présentiel. Les candidats intéressés devront ainsi attendre patiemment la prochaine édition de l’événement; les chercheurs et les étudiants ont tous été très clairs à ce propos. 

À titre informatif, l’horaire complet de l’édition de l’École BrainHack de cette année est disponible ici (en anglais). De plus, les vidéos produites par les étudiants sont disponibles ici.